Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cool Japon
3 janvier 2014

Une chronique de voyage au Japon, à travers sa face cachée

Conte 5:        Bains (Furo)

 

 

 

Nous sommes rentrés à Tennôji par le chemin de fer privé « Kintetsu » avec une sensation de fatigues accomplies.

Comme toutes les  gares terminales, la gare de Tennôji déverse tous les matins une foule, et la ravale, le soir, pour ramener à la cité dortoir située à l’extérieur de la ville.

 A la descente du train, nous avons remonté énergiquement le courant de marée humaine cherchant la sortie de la gare.  Sur l’estrade du toit d’un bâtiment moderne de trois étages, un groupe de J-pop produisait un spectacle brouillant avec de la danse chorégraphiée. Au crépuscule scintillant de néons multicolores, le quartier de Tennôji repris son cours nocturne avec des passants qui se croisaient dans tous les sens jusqu’à tard dans la nuit.

 

 

Philippe !  Si on allait prendre un bain avant d’aller dîner ?

Je l’ai un peu brusqué avec une question  impromptue et inattendue.  Dans une rue de France, si j’avais questionné quelqu’un avec ce genre de propos,  cela aurait été pris déconcertant, voire déplacé, il aurait certainement répondu « Quoi ?».  Philippe m’a répondu tout naturellement  « c’est une bonne idée ».

Peut-être faut-il préciser que les Japonais ont l’habitude de prendre tous les soirs un bain chaud (furo en japonais) en rentrant à la maison avant de se mettre à table.  Le bain est un élément intégrant de la culture japonaise au même titre que le zen, la cérémonie du thé, l’arrangement floral, ou d’autres activités dites « nobles ». 

Historiquement, lors de la venue du bouddhisme au Japon,  les bonzes se purifiaient leur corps en prenant un bain. Mais, depuis lors, nos ancêtres firent rentrer la pratique du bain chaud (chauffé environs à  40 degré) dans leur vie quotidienne, non pas pour se purifier, mais pour se détendre le corps.  Surtout, durant l’ère Edo (1603 – 1868), le nombre d’établissements publics de bains ont connu un essor dans la vie du peuple. Car il n’y avait pas de salle de bain dans le logement sauf chez une petite minorité de riches.

Au début du 19ème siècle, apparut une littérature satirique du nom d’UkiyoBuro (ukiyo : à la mode, Buro : bain) écrit par Shikitei Sanba, il décrivait l’établissement de bains comme un endroit social où les patrons, les employés, ou d’autres, tous à poil sans distinction sociale pouvaient discuter librement de tout et de rien. Le partage de la nudité avait ainsi contribué à créer un dénominateur commun des Japonais. Cependant le sens est un peu différent de celui des pays nordiques, où on se dévêt pour un bien-être naturiste tandis que les Japonais pour une « purification quotidienne » tout en gardant leur pudeur.

La salle de bain japonaise est conçue en deux parties; un petit vestiaire séparé d’une porte étanche de la salle d’eau où on doit se savonner à la douche de tête aux pieds avant d’entrer dans la baignoire de profondeur d’environ un mètre.  Le bain est sacré pour tous les Japonais seulement pour se laisser aller dans de l’eau chaude en quelques minutes de méditation journalière. L’eau de la baignoire est régulièrement réchauffée pour maintenir la température optimale (39 – 40 degré), et reste donc propre pour l’usage de toute la famille pour une soirée.

Le principe est le même pour un établissement public de bains en ville. Devant l’entrée se trouvent deux portes, souvent, à droite pour les hommes avec un noren bleu (un court rideau en tissu fendu suspendu devant la porte), à gauche pour les femmes avec un noren rouge.  Dans une large salle équipée de dizaines de casiers fermés à clef, d’une balance, d’un sèche-cheveux, ou des chaises à massage, on se dévêt complètement, et on entre dans la salle d’eau avec une petite serviette longue d’un mètre tenue à la main gauche à cheval qui sert à se laver et à être pudique lorsque l’on se déplace.   Il y a plusieurs places assises, chacun, devant un miroir avec deux robinets et une douche,  un flacon du savon liquide et un flacon de shampoing.  Plusieurs bassins variés se trouvent dans la même salle d’eau.

Aujourd’hui, tous les foyers sont équipés d’une salle de bain. Néanmoins l’établissement public de bains revient à la mode comme un endroit de loisirs et de détente avec des grands bassins élaborés.

A la descente d’une station de Métro, nous avons suivi le plan d’accès que j’avais cherché préalablement dans l’internet.  Au bout de 10 minutes apparaissait un grand bâtiment de 10 étages étincelant de néon de plusieurs couleurs qui disposait à chaque étage un club de fitness ou de sports.

L’établissement « Naniwa Yu » se trouvait au 10ème étage au sommet de ce bâtiment. A la sortie de l’ascenseur sur la gauche, il y avait des casiers à chaussures que je n’avais pas vues, et  je m’avançais directement vers une machine pour acheter un billet d’entrée (environ 7.5 euros).  Une femme d’accueil se précipita alors pour venir m’avertir que je dois ôter mes chasseurs. Eh bien j’ai commis un impaire dans ma propre culture. Philippe en riait.

Assis sur un petit tabouret en bois devant un miroir, nous avons commencé à nous savonner de tête aux pieds comme des petits enfants, il y en avait qui se rinçaient avec une douche à la main, d’autres qui se rasaient en se regardant dans le miroir. Bref chacun se concentrait sur son petit soin intime. Après une cérémonie de la «purification du corps», Philippe a choisi un bassin de l’eau limpide. Un bassin est peut-être d’une vingtaine de mètres carrés avec une profondeur jusqu’ à la hanche. Lorsqu’on est assis sur le fond du bassin, on est tout juste couvert jusqu’aux épaules.  Il y avait 3 autres bassins de même genre avec des nano-bulles, ou avec des jacuzzis, et une pièce chauffée à sec à 100 degré avec une dizaine de places assises où était même installée une télévision.

A l’extérieur de la salle de bains vers le jardin du toit du bâtiment à ciel ouvert, deux bassins construits avec des grands rochers de mer, et un bassin en bois massif attiraient l’attention des baigneurs. Le jardin avec des arbres et des petites collines entourait toute l’installation de bains extérieurs pour assurer la tranquillité des gens de l’extérieur.

On est trempé jusqu’aux épaules dans de l’eau à 40 degré en regardant le ciel étoilé. L’eau chaude puisée de 600m de profondeur coulait à flot. Deux heures de bains passaient allègrement. Que demander de plus avant d’aller dîner dans un izakaya ?

Il se peut que les singes sauvages partagent avec les cousins humains le même intérêt pour les bains chauds volcaniques.  Leur visage tout rouge avec les yeux fermés dans une mare fumante est une scène inviable pour les humains.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Cool Japon
  • Tout d’abord, bienvenue à tous sur ce blog, dont l’objectif sera de partager avec vous le Japon insolite et méconnu. Je ne chercherai pas à retracer l’histoire du Japon, ni à faire un guide touristique, mais bel et bien à partager avec vous mes émotions.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité